La Fable

Qui donc n'a jamais lu une Fable, n'en a écouté une et peut-être narré, récité ou écrite ?
Mais si la Fable est un genre littéraire, elle est plus que cela encore…
… mais avant d'y revenir, il est très intéressant de retracer la Saga des Fables souvent ignorée ou méconnue, tel de l'or que l'on aurait à profusion sans qu'on en voit plus l'éclat !

Origine de la Fable :
La Fable, quelle que fut la forme qu'elle puisse alors revêtir, trouve ses origines orales certainement depuis bien des millénaires. Elle suit de prés, ou tout du moins en est l'héritière, des contes issus de la tradition orale. Elle se différencie bien sûr par la mise en scène ou l'illustration des enseignements, rites, morales et coutumes d'alors.
On trouve, comme admis historiquement pour l'instant, son apparition écrite sur quelques fragments dont deux principaux, pour l'un estimé de prés de 45 siècles de nous !

Fragments de tablettes Sumériennes (2500 BCE)

"Quand il eut chargé un gros bœuf sur ses épaules
Un homme vit qu'il ne pouvait traverser le fleuve
Quand tu auras vécu parmi les puissants de la cité
Mon fils, reprends vite tes distances
"


En 716 BCE sur une tablette en signes cunéiformes issue des fouilles d'Assur : "Le Moustique et l'Eléphant"… que l'on retrouve chez Esope par "Le Moustique et le Taureau", preuve de la continuité populaire de cette confrontation tel le "Corbeau et le Renard".
Ce fragment de fable originel était évidemment reporté d'une fable certainement plus ancienne et sans doute orale.
Il est ainsi frappant de considérer qu'un des genres littéraires les plus anciens demeurent aussi l'un des plus populaires sinon le plus populaire depuis des siècles. Pour éclaircir ce phénomène, il est intéressant d'abord de tenter de donner une(s) définition(s) de la Fable.Définition de la Fable :
(En Grec)
"Fable" ou "Histoire"

Voilà une première définition intéressante qui relate bien cette frontière entre l'Histoire coutumière et l'histoire que l'on narre.
Voyons comment Thèon, un rhéteur vivant en Alexandrie au II siècle affina cette définition :
Pour lui la Fable est "une histoire fictive représentant une image de la vérité".
Cette définition se suffit à elle-même mais les termes soulignés ci-dessus avaient à cette époque un autre sens alliant la narration au non-dit ou à la tromperie et l'Histoire aux histoires ou à la vérité !

Outre la description usuelle de la Fable la définissant comme un récif, le plus souvent bref et en vers, mettant en scène animaux ou personnages et se concluant par une morale, voyons donc les dérivatifs les plus connus :

Fabliau : au XII et XIII siècles : Bref récit en vers parfois drôle, grossier ou moralistes.
Fabuliste : "Qui fait des Fables".
Fablier : Recueil de Fables.
Conte : Récit d'aventures imaginaires ou histoires mensongères.
Lai : Petit poème narratif à vers très cours (usité au Moyen-Age).
Scénette : Scène concise illustrant un récit ou une histoire.
Ysopet (ou Isopet) : Recueil de Fables au Moyen-Age.

Usuellement donc la Fable se présente sous une structure simple mettant en rapport deux êtres, habituellement des animaux mais pas toujours.
Il est fréquent que l'un soit de plus noble ou forte stature et que l'autre ne veuille lui prétende ce rang alors à son profit et parfois à ses propres dépends. A partir de cela s'articule une scénette où il sera aisé de prendre son parti et d'en tirer une leçon ou un enseignement simple ainsi illustrés par la fameuse "morale". On connaît aussi la Fable politique, capable de se moquer des élites sans les nommer, ou la Fable Théâtrale prenant l'allure d'un petit conte ou d'une dramaturgie d'effets et de suspenses.

La Fable est donc un exercice de rhétorique et qui souvent réussie d'ailleurs à convaincre alors que les animaux ne parlent pas dans la réalité ! (pourtant tout le monde trouve cela normal pour une Fable !) On trouve aussi dans la Fable un enseignement, une morale ou une leçon qui est écrite ou narrée par le Fabuliste et qui n'est donc pas laissé à l'appréciation du lecteur. On note souvent que pour captiver l'oratoire, le Fabuliste joue avec les animaux ou les personnages en les mariant avec leurs caricatures, leurs métiers, les confrontant souvent à des scènes de la vie quotidienne.
Enfin, la Fable tend parfois vers l'énigme quand ses acteurs sont déjà connus, sa teneur prenant ainsi plus d'intérêt que sa morale. Enfin la Fable tend parfois au Conte quand la narration, son suspens et ses effets priment sur les personnages ou l'enseignement.

Toutefois il n'y a pas réellement de "règles" établies en ce qui concerne les Fables mais plutôt des "références" qui sont bien sûr le style de nos anciens Fabulistes dont voici une liste non exhaustive bien sûr… car il fut un temps où chacun animait les veillées ou les réunions de tels petits contes :

Babrius : Poète Grec du début du III siècle qui mit en vers les Fables d'Esope.
De la Fontaine Jean : (1621-1695) On ne présente plus Jean de la Fontaine, illustre Français, Fabuliste le plus connu certainement de l'Histoire qui popularisa la Fable jusqu'à nos jours, même si l'on oublie qu'il s'inspira beaucoup de celles d'Esope…
Socrate : Qui lui-même aurait réécrit quelques Fables d'Esope.
Démétrios de Phalère : Historien Grec qui mit le premier par écrit en 325 BCE les Fables d'Esope.
Esope : "Le père des Fables" (dont nous reparlerons avec Jean de la Fontaine…)
Horace : Écrivain latin du 1er siècle BCE
Phèdre : Fabuliste Latin (50 BCE à 15 CE) ayant de façon originale et remarquée transcris en Latin les Fables Grecques d'Esope.
Roman de Renart : Suite de contes du XII et XIII siècles mettant en scène le fameux Renard que l'on retrouvera souvent au détour des Fables de bien des Fabulistes.

Cette liste est bien sûr un simple hommage aux plus célèbres Fabulistes, du moins de notre Histoire…
… mais ils en exista d'autres, plus méconnus, inspirés par ce que je disais en introduction par autre chose qu'un genre littéraire : c'est ce qui relie l'Origine des Fables à leur Définition !
C'est la Mythologie des Fables


Mythologie de la Fable :

Une mythologie de la Fable ? Etrange idée…
… pourtant la mythologie est l'essence même des Fables et qui expliquent pourquoi leur contenu est toujours entre le mensonge et la vérité, le réel et l'imaginaire. Souvenons-nous qu'elles proviennent d'une tradition orale où l'on relatée l'Histoire par des métaphores, des légendes, des Sagas et du Merveilleux.

Socrate aurait mentionné ce fait en évoquant les Fables d'Esope, parlant de "Mythes". Selon le Larousse classique il est même cité que les Fables sont des "récits mythologiques dites de Fables de l'antiquité Païenne" !
Et que dire des "Dits de Babrius" lui-même sur cette mythologie, définissant la Fable ainsi :

“Il y eut d'abord une race d'hommes justes, celle que l'on appelle la race d'or. Une autre, dit-on, lui succéda, celle d'argent. Et parmi les races nous tenons le troisième rang, nous les hommes de la race de fer.
Du temps de la race d'or, les animaux possédaient aussi un langage articulé, connaissaient les paroles que nous échangeons, et tenaient assemblée au milieu des forêts. Le pin parlait, tout comme les feuilles du laurier. Le poisson dans les flots s'entretenait avec son ami le marin, les moineaux se faisaient comprendre du paysan. Et la terre produisait toutes choses sans rien demander en échange, les mortels et les dieux vivaient en compagnons. C'était ainsi.
Tu peux l'apprendre et le comprendre auprès de notre vieil et sage d'Esope, qui nous a raconté des fables avec toute la liberté de la prose…"

… et concluons cette présentation part une définition bien à propos, citée par Hegel :

"La Fable est comme une énigme qui serait toujours accompagnée de sa solution"
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